Une Vache qui pisse dans un dico

"Noctis longitudo stupris et flagitiis continebatur" (Cicéron)

28.10.05

On ne devrait pas vivre tous les jours.

On ne devrait pas vivre tous les jours, certaines fois, il faudrait mieux hiberner, pour un temps indéfini jusqu’à ce que tout s apaise ou jusqu’à ce que rien, quand on voudrait recommencer, tout simplement. Ruminant ses idées noires, Parfait se dirigeait d un pas très peu alerte vers son bureau. La nuit passée avait été longue et tourmentée et présentement il n aurait pas craché sur un ou deux jours sous la couette, le bas du dos calé par une bouillotte tiédissant. Il passa la porte en songeant avec délice aux multiples avantages que présente un traversin. Il traversa le rez-de-chaussée et rejoignit l ascenseur toujours plongé dans ses pensées. Lorsqu il atteignit enfin son bureau (au 19ème étage, au bout du couloir à gauche), il en était à envisager le bonheur d une marmotte à l approche de l ère hivernale. Le retour à la réalité d automne et de labeur fut plutôt brutal : une pile de croquis de cours d immeubles, pas assez élevée pour être qualifiée de gigantesque mais suffisamment haute pour ne pas être négligeable l attendait. Outré, sonné et contrarié, Parfait hurle : Hypothèse n°1 : « Martina ! » et une blonde mais plate secrétaire accourt dans un crépitement de talons plats. Hypothèse n°2 : « Maman ! » et un petit homme trapu qui devait passer par là entreprend de le réconforter par un massage cardiaque dynamique. Hypothèse n°3 : Sans aucun succès, l immeuble est vide ; seule la femme de ménage congolaise et sous-payée pourrait entendre sa plainte mais on est samedi et elle détartre les canaux d aération. Lu

3 Comments:

At 28/10/05 21:51, Anonymous Anonyme said...

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At 29/10/05 18:55, Blogger Dolufan said...

Hypothèse n°3 : Parfait hurla. Sans aucun succès. L immeuble était vide ; seule la femme de ménage congolaise sous-payée aurait pu entendre sa plainte, mais on était samedi et elle détartrait les canaux d aération.
Parfait, avec l égarement d un taureau dans l arène, se mit à courir par les escaliers, les couloirs, tenta d ouvrir toutes les portes qu il rencontrait, en hurlant à chaque défaite : « Where is everybody ? ». Au bout de dix minutes, alors qu il en était au 18ème étage dans sa quête d autrui, qu il désespérait de rencontrer une seule âme humaine _il s attendait presque à voir l immeuble envahi par des gorilles pensants_ et qu il avait totalement oublié ses pérégrinations mentales épicuriennes jusqu’à la bouillotte coincée sous ses reins, il entendit le plafond murmurer d une voix caverneuse :
« Moi je suis là ! »
- Qui est là ? C est horrible ! Mon Dieu ! C est affreux ! Vite ! Venez voir, c est absolument ignoble ! A l aide ! Vite ! Qui est là ? Mais qui c est ? Dites-moi ! Montrez-vous ! Qu est-ce que je dois faire ? C est la fin ! Je vais me liquéfier ! Me réduire en poudre ! M auto-annihiler ! Mais dépêchez-vous, merde ! C’est une catastr…
- Calmez-vous !!! cria le plafond. Même l air ne peut pas traverser les canaux d aération, alors imaginez une mama comme moi ! Bon, c’est si grave que ça ? Y’a mort d homme ?
- C’est bien pire encore !
- Où ça se passe ?
- Dans mon bureau, dizneuvièmeétageauboutducouloiragauche
- Ok, j arrive ! »
Parfait remonta frénétiquement dans l ascenseur et appuya d un doigt tremblant sur la case n°19. Puis il se précipita dans le couloir qu il traversa d un bond, et arriva à son bureau dont la porte restée ouverte était décorée d un poster de Speedy Gonzales (« La souris la plus rapide de l ouest »). Il eut un mouvement de recul, mais voyant que la femme de ménage avait du mal à sortir de la bouche d aération par la grille dans le coin à droite, il prit son courage à deux mains et se décida à entrer pour l encourager. Après de longs efforts intenses, elle parvint à sortir, tandis que lui était à présent blotti dans un recoin de la salle, lui désignant la pile de dossiers. C est alors qu elle observa avec attention le dessus du tas, et découvrit une minuscule araignée totalement immobile et inoffensive.
- Vous rigolez ! lança Parfait suffocant. C’est une mygale amérindienne de la forêt amazonienne ! J ai vu une émission sur ces saloperies-là sur TF1 ! C’est petit, mais faut pas s y fier ! Ca peut vous dévorer un homme en un temps record !
La ménagère fit lentement glisser, avec une infinie tendresse, l araignée sur son index, et la blottir contre son sein chaud. Puis elle la fit s engouffrer tout naturellement dans le tuyau de son aspirateur.
- Vous êtes un émotif, vous, n’est-ce pas ?

Hypothèse n°1 : C’est samedi, le patron n’est pas là. Ils décident d’aller boire un verre en face pour que Parfait puisse se remettre de ses émotions et se calmer de ses convulsions.

Hypothèse n°2 : La femme de ménage retourne à son détartrage et Parfait s’endort, la tête sur ses dossiers après avoir incinéré les trois premiers qui ont accueilli la bébête.

Hypothèse n°3 : A bien considérer Clémentine (oui, elle s’appelle Clémentine dans l hypothèse 3), Parfait, qui à 40 ans est toujours seul dans sa couche, lui trouve un charme certain. Il la suit alors dans les canaux d aération.

Fanfan

 
At 11/11/05 16:20, Blogger Dolufan said...

Hypothèse n°2 : La femme de ménage retourne à son détartrage et Parfait s’endort, la tête sur ses dossiers après avoir incinéré les trois premiers qui ont accueilli la bébête.

Pendant que Parfait dormait du sommeil du juste, l'araignée amérindienne de la forêt amazonienne, prénommée Gipsy, remontait vaillamment le tuyau de l'aspirateur. Le parcours était long et difficile, truffé d'objets non identifiés et desquels Gipsy ne pouvait se détourner qu'avec un air de dégoût. "Heureusement que j'ai en moi du sang amérindien, soufflait-elle, sinon je n'aurais pu résister à un tel traitement." Gipsy était très en colère : comment avait-elle réussi à se mettre dans pareil pétrin ? Elle n'était passée par le bureau de Parfait que parce qu il était sur sa route, elle avait repéré un nid douillet où s'installer et vers lequel elle s'acheminait lorsqu'elle avait été sauvagement agressée par l'aspirateur de la femme de ménage. La vengeance sera terrible ! gronda-t-elle. Tout le sang de mon peuple coule dans mes veines et ils regretteront d'avoir osé s'attaquer à moi. Ses rêves de vengeance, de destruction, de chaos aidèrent Gipsy dans sa longue marche ; elle parvint enfin au bout du tuyau. Toute haletante, elle aspira l'air frais sans ses poumons.

Hypothèse n°1 : Parfait avait raison : Gipsy est bien une dévoreuse d'hommes. Elle ne fait qu'une bouchée du dormeur.

Hypothèse n°2 : Gipsy n'est pas carnivore mais sa vengeance reste terrible quand même : elle tisse une énorme toile d 'araignée du haut en bas de la porte, coinçant ainsi Parfait dans son bureau, étant trop peureux pour oser franchir pareille toile. Cette fois, la femme de ménage est rentrée, il lui faut donc attendre lundi matin pour être libéré.

Hypothèse n°3 : Gipsy est mégalo. Elle a peut-être été assez vaillante pour rester en vie et remonter le tuyau mais ses rêves de vengeance sont vains. Epuisée, elle meurt à la sortie du tuyau de l'aspirateur. Son pauvre cadavre d'araignée tombe à même le sol et n sortant du bureau, Parfait l'écrase sans même s'en rendre compte. Douce ironie que Gipsy aurait su apprécier s'il ne s'était pas s'agi d'elle.


Do

 

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