Une Vache qui pisse dans un dico

"Noctis longitudo stupris et flagitiis continebatur" (Cicéron)

4.3.06

"N'étant pas un génie, il n'avait pas d'ennemis" Oscar Wilde

Il vivait sa vie de pantouflard, monotone et sans incidents majeurs. Georges était célibataire et comme tout bon célibataire, il avait ses habitudes auxquelles il n'aurait dérogé pour rien au monde. Il dînait chaque soir de façon très cérémonieuse à 19h pétantes ; le matin, il lisait, durant le trajet qui le menait de sa banlieue à la capitale, les mêmes rubriques du Monde, sans toutefois toujours tout comprendre : Georges n'était pas un génie. Il avait un emploi dans une banque, il y travaillait depuis 23 ans. Il occupait toujours le même poste, il n'avait pas évolué, n'avait rien appris de plus. La mère de Georges était décédée quelques années plus tôt ; celui-ci en avait été chagriné (ils partageaient une maison) mais la conséquence majeure de cet évènement fut que ses dîners furent un peu plus silencieux que de coutume. C'est ainsi que se déroulait la vie de Georges, un calme imperturbable, une ligne d'horizon déjà tracée d'avance. Mais un matin, Georges se réveilla.
Hypothèse n°1 : Georges est pris d'une soudaine envie de tout envoyer promener. Il s'achète un billet pour New-York.
Hypothèse n°2 : Georges se réveille et aperçoit au pied de son lit un chien. Avec la même indifférence avec laquelle il traite sa vie quotidienne, il adopte ce nouveau compagnon. Peut-être que promener ce chien lui fera tisser des liens sociaux.
Hypothèse n°3 : A la suite d'un rêve plus qu'explicite, il se découvre homosexuel.
Do

1 Comments:

At 4/3/06 01:28, Blogger Dolufan said...

Hypothèse n°2 :
Georges se réveilla un matin et aperçut, au pied de son lit, un chien. Avec la même indifférence avec laquelle il traitait sa vie quotidienne, il adopta ce nouveau compagnon. "Peut-être que promener ce chien me fera tisser des liens sociaux", aurait-il pu penser, mais il ne lui arrivait que rarement de penser : Georges n'était pas un génie. Le chien le regardait d'un oeil blaffard tandis que Georges pliait minutieusement son pyjama pour le poser précisément sur la chaise plantée à droite de son lit. Puis, tandis qu'il se préparait à remettre en ordre ses draps à l'odeur de lavande que la nuit avait passablement perturbés, le chien se rua sur le fauteuil en cuir de vache beige que la mère _paix à son âme_ avait laissé lors de son dernier souffle. Il le déchiqueta tant et si bien que Georges, entre deux larmes qui coulaient automatiquement, ne put qu'observer la scène d'un air affligé. Il était pourtant si content de s'être enfin trouvé un compagnon d'infortune, qu'il se résolut à accepter la destinée tragique de cette parcelle d'héritage, et se prépara psychologiquement à affronter la chaleur et la foule chez Ikéa, avec Médor _Georges n'avait une certaine forme d'imagination que de manière relativement intermittente. Ils empruntèrent donc la ligne de bus n°26 que bien sûr il n'avait jamais pris. Celle expérience nouvelle comprima ses poumons. Il crût à tout moment mourir d'asphyxie entre le mioche gueulard et le "bougnoule" _Georges n'était pas un génie. Parvenu à la zone industrielle, il reprit vie à l'idée de s'extraire de cette masse informe que constituait l'altérité, mais sa Majesté en avait décidé autrement, et posa lourdement son postérieur dans un recoin du bus inaccessible. Georges accepta son sort avec une certaine résignation qui marquait plus une forme d'indifférence que de sagesse. Le petit être qui se tenait debout devant lui, une sucette à la main qu'il léchait goulûment, le regarda d'un oeil pur et innocent avant de lui demander d'une voix criarde : "Pourquoi t'es moche?" Mais Georges n'avait pas de répondant et se contenta de froncer les sourcils, d'un air qui semblait dépité mais qui venant de lui n'était peut-être pas aussi subtil. Il rejoignit Médor quand quelques places se libérèrent. Le bus quittait peu à peu la ville afin de déservir les autres banlieues, et plus le temps passait, plus le chien s'obstinait à prendre des poses plus ridicules les unes que les autres. Georges n'aurait reconnu aucun des lieux qu'ils traversaient, s'il avait eu la curiosité de jeter un oeil à travers les vitres, mais il se contentait de regarder Médor en chien de faïence. Un homme obèse s'assit à ses côtés, ou plutôt sur lui, devrais-je dire. Il plaquait ostensiblement Georges contre la vitre, et celui-ci se retrouva obligé de regarder le monde en face : le bus avait quitté la banlieue et errait à présent dans une campagne parsemée de bosquets. Soudain, Médor, comme téléguidé, se leva et se faufilla entre les jambes grasses du voisin. Georges fut obligé de passer sur le corps de ce dernier pour suivre le petit chien qui se posta aux côtés d'un ivrogne. Celui-ci se parlait à lui-même, doucement, mais avec un certain accent qui altérait ses propos et les rendait incompréhensibles. Georges se demandait bien pourquoi il manquait de tomber par terre à chaque virage, et conclut à son odorat que se subir soi-même n'était parfois pas chose aisée. Il ferma les yeux d'un air serein, rêvant à son bureau de banque qui sentait bon l'Ajax "fleurs des champs". Tout à coup, on entendit une longue sirène stridente, le bus s'arrêta au beau milieu d'une forêt sombre, et Médor en sortit suivi de son fidèle compagnon.
Hypothèse n°1 : A peine sorti, Georges étale son pied dans une matière encore fumante que Médor, d'un air innocent, faisait passer pour de la boue. Le bus redémarre, ils sont seuls, perdus au beau milieu de nulle part.
Hypothèse n°2 : Tous les gens sortent du bus. Il fait nuit, ils allument des lanternes et embarquent nos deux héros dans un cortège silencieux.
Hypothèse n°3 : En posant le pied par terre, Georges tombe dans la mousse frîche, mort. Mais l'histoire ne s'arrête pas là...

 

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